Merci à l'IMF pour ce séminaire où des professionnels échangent avec les patients et familles, l'opportunité de mieux comprendre une partie de la montagne de termes techniques.
Le 15ème séminaire de l'International Myeloma Foundation (IMF), en partenariat avec l'AF3M, a réuni plus de 80 personnes, représentant environ plus de 50 familles.
La journée a commencé par une touche féminine, et le discours des présidentes : Susie Novis Durie et Bernadette Isoir Favre, le tout piloté par Nadia Elkebir (sans oublier Rachel l’interprète).
Les sujets abordés ce samedi :
- La maladie résiduelle minimale (MRD), dans la prise en charge thérapeutique, ... les détails
- Sur la route de la guérison : Black Swan Research Initiative (BSRI), ... en savoir plus
- La piste du nelfinavir (essai FORTUNE), ... en savoir plus
- Le parcours des nouveaux médicaments, ... comprendre
- Les causes du myélome : interprétation actuelle, ... découvrir
- Dosage des Chaines Légères Libres. ... comprendre vos analyses.
Merci aux intervenants de nous avoir transmis leurs supports de présentation ... les consulter.
Cet article est téléchargeable en version pdf.
Dans un objectif toujours renouvelé de répondre au mieux à vos attentes en tant que patient, proche, accompagnant, aidant, ami … si vous avez participé au séminaire, et/ou avez lu tous les sujets ... vous pouvez répondre à notre questionnaire : Appréciation du séminaire IMF 2017.
La maladie résiduelle minimale (MRD), dans la prise en charge thérapeutique
Très rapidement, en évoquant le débat contradictoire sur la MRD organisé dans le cadre de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology, à Chicago le lundi 5 juin sur les intérêts de suivre ou non la Maladie résiduelle le Dr Xavier Leleu (CHU Poitiers) nous a plongé dans les aspects scientifiques du myélome.
Minimal Residual Disease: A Measurable and Relevant Endpoint in Treatment par le Dr Xavier Leleu versus Minimal Residual Disease Assessment: Not Relevant for Clinical Practice Yet par le Dr Sagar Lonial (Winship Cancer Institute, Atlanta).
Avec l’évolution des nouvelles thérapies, la probabilité d’atteindre une réponse complète (RC) avec absence de pic au niveau de l’électrophorèse des protéines a augmenté, cependant il est observé que la plupart des patients finissent par rechuter.
Ce constat illustré par l’image de l’iceberg qui montre que, malgré l’absence de pic, la maladie peut être encore présente a conduit au développement de méthodes d’analyse plus sensibles pour détecter et quantifier la maladie résiduelle (MRD).
La mesure de la MRD, permet ainsi d’évaluer l’efficacité du traitement, de proposer un traitement individualisé aux patients atteints du myélome multiple.
A l’avenir, la mise en évidence d’une maladie résiduelle significative pourra conduire à un renforcement de la chimiothérapie.
À l’inverse, la démonstration répétée de l’absence de cellules malignes persistantes pourra permettre d’envisager une désescalade thérapeutique.
Cf. la métanalyse, du Dr Avet-Loiseau, sur l’étude des points communs entre les différentes études existantes, publiée dans JAMA Oncol. 2017;3(1):28-35.
en français, le projet de recherche du CRC Toulouse.
La négativité de la MRD est définie lorsque l’on mesure moins de 1 plasmocyte malin parmi 10 000 plasmocytes bénins (sensibilité : 10 - 4). Les thérapies actuelles conduisent à une fréquence et une réponse sans précédent, des méthodes de flux et de séquençage de prochaine génération pour mesurer la MRD dans la moelle osseuse sont utilisées et développées avec des sensibilités comprises entre 10 - 5 à 10 - 6 cellules.
A la sensibilité de 10 - 4 (0,01%), on n’arrive pas à mettre en "dormance" les cellules malignes, il est fréquent que les patients rechutent à 2-4 ans. Pour une MRD négative à 10 – 6 (0,0001% ), il est observé que 80% des patients bénéficient d’une période de rémission supérieure à 4 ans.
Pour le Pr Xavier Leleu la profondeur de MRD est donc une notion importante qui devrait être prise en compte en routine à l’avenir !
Etude IFM/DFCI 2009, publié par Michel Attal, N Engl J Med 2017; 376:1311-1320
Et quelques questions d’autres chercheurs pour en savoir plus, N Engl J Med 2017; 377:91-94
L’immunophénotypage par cytométrie en flux multiparamétrique (CMF, ou en anglais multiparameter-flow cytometry, MFC) est une méthode sensible et spécifique pour la détection des plasmocytes anormaux. La MFC de seconde génération permet d’obtenir une MRD < 0,001 % soit 10-5 de limite de détection (versus 10-4 pour la première génération). Elle est plus sensible et permet d’identifier 3 seuils de MRD- : 10-4, 10-5 et 10-6.
De son côté, le Dr Sagar Lonial, s’interroge si les résultats de la méta-analyse réalisée afin de mesurer l’impact de la MRD sont significatifs eu égard à la grande variété des patients, il pense que le suivi de l’évolution de la MRD n’est pas pertinent pour une pratique clinique. Il affirme que pour des patients traités avec des médicaments anciens, les anciens tests mis en œuvre pour évaluer la rémission sont suffisants.
En résumé, les techniques de cytogénétique moléculaire apparaissent comme un outil potentiel de surveillance de la maladie résiduelle ; la cytométrie en flux permet de détecter des cellules myélomateuses dans la moelle osseuse avec un très grand niveau de sensibilité, détectant une cellule myélomateuse parmi un million de cellules.
Cependant, ces techniques doivent encore être standardisées et validées sur de longues périodes incluant des patients traités de manière homogène (permettant une étude statistique), pour déterminer les seuils de pronostic pour un ajustement thérapeutique.
Sur la route de la guérison : Black Swan Research Initiative (BSRI)
Puis nous avons eu une présentation bilingue, du Dr Brian GM Durie (Cedars-Sinai Medical Center, Los Angeles), très justement traduite par Rachel, sur le Projet de Recherche iStopMM qui a débuté en Islande l’année dernière, et soutenu par le BSRI, qui inclue le Screening (dépistage), Treating (traitement) Or Preventing (ou la prévention) du myélome multiple.
Grâce au portrait génétique réalisé en Islande, avec le séquençage du génome complet de 2 636 islandais (soit 0,8 % de la population, de 320 000 habitants) couplé à l’élaboration d’un arbre généalogique, et l'étude du profil génétique de 104 000 individus (1/3 de la population), il va être possible pour les chercheurs de détecter et d’isoler une mutation et de la corréler à une maladie.
Le projet iStopMM, mené en collaboration avec l’IMF et Binding Site, est une étude qui vise à exploiter les résultats des analyses de sang d'environ 120 000 adultes de plus de 40 ans.
80 000 volontaires ont déjà signé le consentement, et les tests seront réalisés avec les échantillons déjà prélevés lors des examens sanguins de routine.
On espère ainsi créer une bonne base statistique, évaluer avec précision la population atteinte d’un MGUS ou d’un myélome indolent ; analyser au travers du séquençage des ADN les causes qui peuvent conduire à déclencher un myélome.
En parallèle, les personnes diagnostiquées avec MGUS ou myélome indolent vont avoir la possibilité de participer à un essai clinique, en vue d’étudier les composantes génétiques du myélome, identifier l’intérêt de traiter le patient avant apparition de la maladie.
La piste du nelfinavir (essai FORTUNE)
Le Dr Brian GM Durie nous présente le Dr Christoph Driessen (Hôpital cantonal de Saint Gall, Suisse), Une étude suisse portant sur l’anti-HIV nelfinavir administré en association avec le Velcade et la dexaméthasone chez les patients atteints d’un myélome avancé et réfractaires aux inhibiteurs du protéasome (IP), a montré des résultats encourageants.
Cette étude réalisée dans 9 centres, sur 34 patients, avec 6 cycles de nelfinavir rend les cellules résistantes aux IP, à nouveau sensibles aux traitements. Les résultats obtenus ont été stupéfiants, même chez des patients avec des anomalies cytogénétiques à haut risque.
Il est évident qu’une étude de plus grande ampleur est nécessaire pour confirmer l’intérêt de cette nouvelle association. Cependant, le brevet du nelfinavir est tombé en 2013, le dernier laboratoire à le produire, a été Roche au Canada qui l’a arrêté il y a 3-4 ans !
Cf. Myeloma Today, publication de l’IMF, Hiver 2017
Article du congrès ASH 2016, et Haematologica. 2016 Mar;101(3):346-55
Quelques questions ont permis d’en apprendre plus …
# Un myélome réfractaire, est un myélome récidivant qui progresse soit pendant le traitement, soit dans les 60 jours après la fin du traitement.
# les corticoïdes augmentent la réponse au traitement de 10 à 20%.
Le parcours des nouveaux médicaments
Puis le Pr Jean-Luc Harousseau (Université de Nantes) ancien Président de la Haute Autorité de Santé (HAS), nous présente les différentes étapes de l’arrivée sur le marché des nouveaux médicaments.
En France, l’Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) est sous la responsabilité de l’ANSM, mais en fait la procédure est centralisée au niveau européen par l’EMA (European Medicines Agency) sur la base d’un dossier fourni par la firme. Les études cliniques permettant d’évaluer le rapport bénéfices/risques.
Une coopération européenne existe depuis 2006, entre les agences d’évaluation des technologies de santé pour évaluer les produits de santé innovants qui arrivent sur le marché : évaluer leur service rendu et juger de leur intérêt pour les malades (et fixer le prix le plus juste).
Les organismes d'évaluation des technologies de santé (HTA, Health Technology Assessment), tels le National Institut for Health and Care Excellence (NICE) ou la Haute autorité de santé française (HAS), jouent un rôle important au niveau national.
En France, dans le schéma d’évaluation actuel :
- L’évaluation du service médical rendu (SMR) et de l’Amélioration du service Médical Rendu (ASMR) par la Commission de la transparence a pour objectif d’éclairer les décisions d’ordre économique qui sont instruites par le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) avec comme questions centrales : faut-il rembourser le médicament, et si oui à quel taux ?
ce médicament doit-il être positionné comme une innovation médicale, donc inscrit sur la liste en sus ? - La détermination du prix tient compte de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) et également, pour les médicaments qui revendiquent un certain niveau d’innovation, de l’évaluation médico-économique (rapport coût-efficacité).
Depuis 1986 en France, l’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU), permet à certaines catégories de malades d'utiliser des médicaments n'ayant pas encore été mis sur le marché. Les ATU sont accordées pour une durée déterminée, renouvelable, ne pouvant dépasser un an.
Cf. notre rubrique sur le site af3m sur le parcours du médicament
Pour favoriser l’accès aux traitements innovants et coûteux, les médicaments sur la liste en sus bénéficient d’un financement dérogatoire directement pris en charge par la Sécurité Sociale. L’établissement de santé peut administrer le traitement sans que cela n’impute son budget global (traitements financés "en sus" des tarifs des séjours hospitaliers).
Décret du 25 mars 2016 dit "liste en sus".
Eu égard au nombre croissant de malades traités, lié notamment l’allongement de la durée de vie, au fait qu’avec l’arrivée des nouveaux médicaments l’on se dirige vers des protocoles mettant en œuvre deux médicaments innovants, mais aussi au fait que les progrès enregistrés ces dernières années font que le nombre de traitements proposés aux malades sera plus important, il s’avère que la HAS et le ministère de la Santé soucieuses d’une meilleure maîtrise des coûts de santé ont une vision beaucoup plus restrictive des progrès que peuvent apporter les nouveaux médicaments, d’où des délais d’instruction des dossiers anormalement longs, voire dans certains des situations de blocage sans motif réel de refus.
Le carfilzomib est disponible aux USA depuis 2012,
son dossier en vue de permettre son inscription dans la liste en sus en France est en cours d’instruction, avec des délais d’instruction anormalement longs.
Le daratumumab n’a pas encore de prix fixé, il est pour le moment prescrit sur les fonds de recherche
L’ixazomib n’a pas d’ATU, mais le laboratoire l’a donné un temps gratuitement …
Notre lettre ouverte à la Ministre de la Santé, et le courrier au députés.
Un article dans l’express en 03/2017
Les causes du myélome : interprétation actuelle
Cette fois, le Dr Brian GM Durie nous présente les causes possibles du myélome multiple.
Des causes polygéniques (altération de plusieurs gènes) sont des facteurs déclenchants de la production de plasmocytes transformés (donc malins).
L’augmentation et la croissance des plasmocytes malins, ou ceux qui pourraient être endommagés peuvent être dus à plusieurs facteurs : inflammation, infection, obésité, implants de chirurgie, divers traumatismes (accidents, blessures des tissus).
II évoque également l’impact possible de la toxicité des produits chimiques, notamment les pesticides qui sont à l’origine de la destruction d’hormones et de défenses immunitaires, des destructions qui causent des dommages de l’ADN que le corps ne sait pas réparer.
Il indique que selon les premières recherches du Yale Cancer Center publiées dans The New England Journal of Medicine l'inflammation et la stimulation chronique du système immunitaire peuvent déclencher un myélome multiple.
Dosage des Chaines Légères Libres
Daniel Chauvet, Responsable des Affaires Scientifiques à The Binding Site nous instruit sur l’interprétation des résultats des Chaînes Légères Libres (CLL), avec une description un peu technique pour l’assistance.
Les plasmocytes sont des cellules de la moelle osseuse qui produisent les immunoglobulines, anticorps nécessaires pour combattre une infection. Les plasmocytes tumoraux (cellules myélomateuses) ne produisent pas d’anticorps en réponse à une infection, mais une immunoglobuline monoclonale.
Les immunoglobulines sont formées par un des cinq types possibles de chaines lourdes (à savoir g pour IgG, α pour IgA, μ pour IgM, δ pour IgD et ε pour IgE) associé à un des deux types de chaines légères (kappa κ et lambda λ).
Les plasmocytes produisent une quantité plus importante de chaines légères que de chaines lourdes. Ces chaines légères en excès constituent les chaines légères libres (CLL) de type κ ou λ et sont sécrétées dans le sang.
Les valeurs sériques pour un patient sain sont :
Kappa : 3,3 – 19,4 mg/l Lambda : 5,71 – 26,3 mg/l Rapport κ/λ : 0,26 – 1,65
Le dosage est réalisé dans le sang.
Le suivi des chaines légères libres est utilisé pour monitorer la réponse au traitement. Les taux sériques sont corrélés à l’infiltration médullaire des plasmocytes. Les valeurs des chaines légères libres retrouvées chez les patients atteints de myélome peuvent être très élevées. Cependant, il n’y a pas de corrélation entre le taux des chaines légères libres et la gravité de la maladie.
Les chaines légères libres peuvent passer dans les urines. On parle alors de protéines de Bence Jones (ce qui correspond aux CLL monoclonales urinaires). Les CLL peuvent être néphrotoxiques et entrainer des insuffisances rénales.
Chez les insuffisants rénaux, les valeurs attendues du ratio κ/λ sont : 0,37 – 3,1.
La chaine légère libre monoclonale est appelée "chaine légère libre impliquée (CLLi )" et la chaine légère libre opposée est appelée "chaine légère libre non-impliquée (CLLni)".
L’évaluation de la réponse (réponse partielle ou très bonne réponse partielle) peut, entre autre, être basée sur le pourcentage de diminution de la différence entre la valeur de la CLLi et la valeur de la CLLni. Cette différence est la dCLL (ou dFLC en terminologie anglaise).
La réponse complète stringente est, quant à elle, définie par plusieurs critères dont un retour à la normale du ratio κ/λ (c’est-à-dire entre 0,26 - 1,65).
Sur le site af3m, le livret IMF d’analyse de chaînes légères libres sériques, traduit par Binding Site
Pour rappel, plusieurs marqueurs sont associés à la probabilité de progression. On surveille notamment :
- Les lésions nodulaires focales par IRM et/ou PET scan
- La plasmocytose médullaire, par ponction sternale ou biopsie osseuse
- L’évolution des protéines monoclonales, dont celles des chaines légères libres avec l’augmentation de la dCLL.
Quelques questions ont permis d’en apprendre plus…
# En dessous de 10g/l de protéine monoclonale, l’électrophorèse n’est pas assez précise pour en mesurer l’évolution.
# L’évolution du ratio κ/λ est un critère de réponse au traitement. Il est nécessaire de prendre également en compte la fonction rénale pour bien interpréter ses variations.
# Jadis on attendait que la rechute soit symptomatique pour traiter, aujourd’hui on parle aussi de rechute biologique à partir de laquelle on décide parfois de traiter.
# La vitesse de changement est importante pour passer à une thérapie active. Si le changement est graduel on peut observer sur 6 mois, voire 1 an et combiner avec un PET scan.
# La demi-vie des IgG est de 3 semaines, celle des IgA est de 6 jours. La demi-vie des CLL n’étant que de quelques heures, on peut évaluer la réponse plus précocement.
Compte-rendu proposé par Anne Delmond-Davanture, Bernard Delcour et Daniel Chauvet
Un grand merci à Nadia pour l’organisation de ce séminaire, à Susie et Brian pour leurs efforts constants à informer les patients français depuis 15 ans, et à soutenir les associations de patients du myélome dans le monde.
Retrouvez les supports présentés par les intervenants :
# 2017-IMF01-MRD IMF 2017 Leleu
# 2017-IMF02-Paris BSRI Slide Deck
# 2017-IMF03-IMF JUIN 2017
# 2017-IMF04-Paris What Causes Myeloma Slide Deck
# 2017-IMF05-D_Chauvet Paris 10 06 17